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Traitement d'acupuncture

Les émotions 

Pour bon nombre de personnes, il semble évident qu’un lien fort existe entre les émotions et le corps. Quel est ce lien ? Comment fonctionne-t-il ? Est-ce une idée récente ? Dans quelles régions du monde est-il considéré comme réel ?

On peut également parfois entendre lors de discussions ou en cabinet :

« Je suis en colère, c’est mon Foie »

Ou encore

« Je suis triste, j’ai un problème aux Poumons »

Les liens sont-ils si simples que cela ?

Tant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre ici. Pour cela, nous nous baserons essentiellement sur les grands classiques de la médecine chinoise !

L’occident

Cette idée de relation corps/émotions n’est pas récente. Popularisée par le Canon d’Hippocrate (~3ième siècle av JC), la théorie des humeurs est l'un des fondements de la médecine antique européenne. Ce dernier met en lumière l’idée selon laquelle notre façon d’être, de ressentir, de penser et d’agir serait affectée par le déséquilibre des humeurs, qui sont en fait des substances au nombre de quatre : la bile noire, la bile jaune, le sang et la lymphe. 

Pour les Anciens, il existe quatre humeurs :

  • Le sang : produit par le foie et reçu par le cœur (caractère sanguin ou jovial, chaleureux) ;

  •  La pituite ou phlegme ou lymphe : rattachée au cerveau (caractère lymphatique) ;

  •  La bile jaune : venant également du foie (caractère bilieux, plutôt enclin à la violence. Il est dit des bilieux qu'ils dégagent une impression de force et de contrôle) ;

  •  L’atrabile ou bile noire : venant de la rate (caractère mélancolique/anxieux).

D’ailleurs, le mot mélancolie, apparu au XVIIIe siècle, vient du grec melankholia, composé de melas pour « noire » et de kholê pour « bile ». De même que le mot anglais spleen, dérivé du grec splên désigne la « rate », faisant écho au spleen baudelairien exprimé dans le recueil des Fleurs du Mal.

 

Prenons également l’exemple des médecins de l’Antiquité qui ont toujours associé la rate à l’humeur. L’expression « se mettre la rate au court-bouillon » signifie « se faire du souci ». Quand une personne est excessivement inquiète ou stressée, elle peut entendre « Ne te mets pas la rate au court-bouillon ! ». 

 

Si l’on écoute Spinoza (17ième siècle), les affections du corps impactent la puissance d’action de ce dernier (voir la Puissance d’agir). L’affect, qu’il soit action ou passion, recouvre à la fois une réalité physique (affections corporelles) et une réalité mentale (idées de ces affections) et implique une corrélation entre ce qui se passe dans l’esprit et dans le corps. Cela est encore plus patent dans le Traité politique, où il affirme avoir « considéré les passions humaines – par exemple l’amour, la haine, la colère, la jalousie, la gloire, la miséricorde, et le reste des mouvements de l’âme – non comme des vices de la nature humaine, mais comme des propriétés qui lui appartiennent au même titre que le chaud, le froid, le mauvais temps et le tonnerre, et d’autres phénomènes du même genre appartiennent à la nature de l’atmosphère »

Loin de faire une satire des passions et de vilipender la nature humaine, il vise l’élaboration d’une science des affects. Comprendre, pour Spinoza comme pour Aristote, c’est comprendre par les causes. Derrière le désordre apparent des passions existe un ordre causal qu’il s’agit de mettre au jour. Il y a une raison des passions. C’est pourquoi il faut s’employer à déterminer les lois qui régissent ce qui paraît irrégulier.

L’orient

Après ce rapide tour d’horizon de quelques penseurs occidentaux, voyons à présent ce que nous disent les grands classiques de la Médecine Chinoise.

Mais avant cela, il faut savoir que la médecine chinoise considère le corps dans son ensemble (approche holistique) mais considère également que les émotions ont un impact direct sur le corps et les organes.

Citons en premier lieu le SUWEN (partie du HUANG DI NEIJING). Il est difficile à dater car sa rédaction s’étend sur une longue période. Nous dirons en 206 av JC.

Voilà ce que l’on peut trouver :

« Le Poumon, parmi les volontés, c’est la tristesse, elle blesse le poumon. »

« Les reins, parmi les volontés, c’est la peur et la peur blesse le rein. »

« Parmi les volontés de la rate, c’est la réflexion et la réflexion blesse la rate. »

« Le cœur, […] parmi les volontés c’est la joie. »

« Le Foie […], produit en plénitude la colère. » (Voir également dans la difficulté 49 du NAN JING écrit en 221 av JC)

 

En lisant cela, nous constatons que la vision antique des émotions par la médecine chinoise est en adéquation avec les fondements de la médecine occidentale d'Hippocrate !

On obtient le résumé suivant :

  • Cœur = Joie

  • Foie = Colère

  • Rate = anxiété, ruminations

  • Reins = Peur

  • Poumons = Tristesse.

Les textes pourraient s’arrêter là et tout semblerait simple et évident mais ce n’est pas le cas…

Les relations entre les différentes émotions en Médecine Chinoise

Le classique des difficultés « NAN JING » nous énonce à la difficulté 49 :

« L’anxiété et la tristesse, les pensées et les soucis blessent le Cœur. »

Le Cœur aurait donc des liens supplémentaires avec l’anxiété (~Rate) et la tristesse (~Poumons) ?

Prenons maintenant le « Classique ordonné de l’acupuncture » (ZHENJIU JIAYI JING, dynastie Han (206 av JC) :

« Si le souffle du Foie est vide, alors c’est la peur, s’il est plein, c’est la colère.

Ici, on lit que le Foie aurait un lien avec la peur (~Reins) ?

Si le souffle du Cœur est vide, on a du chagrin, s’il est plein on est atteint de fou rire.

Et on retrouve l’idée de Cœur en lien avec la tristesse et la joie.

Reprenons le SUWEN :

Le Foie en vide produit la peur, en plénitude la colère, la colère qui ne s’arrête pas produit aussi la tristesse.

La peur surgit du Foie et s’accomplit au Rein.

Le cœur, parmi les altérations, c’est la tristesse, parmi les volontés c’est la joie et la joie blesse le cœur. Si le cœur est vide, on a du chagrin, et quand on a du chagrin, c’est la tristesse. Si le cœur est plein, on rit et quand on rit, c’est la joie.

En ce qui concerne la rate, l’inquiétude et la tristesse qui ne se dissipent pas blessent l’idée, si l’idée est blessée on est mélancolique et troublé.

 

Il y aurait donc des liens bien plus entremêlés que supposés. Et tous les classiques reprennent les mêmes liens entre les émotions ! (nous n'avons pas mis toutes les citations sur les émotions de tous les classiques mais seulement quelques passages).

Les 5 mouvements en Médecine Chinoise

Impossible de bien comprendre ces dernières citations sans une connaissance des 5 mouvements, un des piliers de la médecine chinoise. Nous ne le développerons pas ici car cela peut faire le sujet d’un cours entier mais voici un schéma explicatif simplifié :

 

 

 

 

Ici, on peut voir les liens entre les organes. Chaque trait désigne une relation. Si l’on transpose les organes avec leurs émotions liées comme vu précédemment, on obtient :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voici finalement l’explication aux citations précédentes. On voit clairement que l’entremêlement des émotions cité dans les ouvrages s’explique ici. Une émotion peut donc entraîner un dérèglement dans une autre sphère organique et donc émotionnelle.

Conclusion

Les émotions ne sont pas forcément directement des causes en Médecine Traditionnelle Chinoise. Certaines peuvent être des conséquences et traiter les conséquences ne donne jamais de résultats probants.

Le diagnostic enseigné dans les écoles de médecine chinoise est donc primordial pour comprendre les mécanismes qui amènent aux symptômes physiques ou psychiques. La recherche de la cause est une des clefs de la guérison. Attention donc aux raccourcis lus un peu partout…

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